Sitôt lancé, sitôt enlisé. Premier chantier du Grand Paris, le prolongement de la ligne 14 de Saint-Lazare à Saint-Ouen donne des sueurs froides à la RATP. Depuis un article du Parisien publié ce week-end, les élus franciliens ne ménagent pas leurs critiques à destination de l'entreprise publique. La maire UMP du 17e arrondissement, Brigitte Kuster, a même lancé une pétition mardi.
Le motif : le patron de la RATP, Pierre Mongin, vient de leur confirmer à haute voix, lors d'un conseil d'administration, ce qu'il laissait entendre depuis plusieurs mois. Il n'y aura pas de ligne 14 à Saint-Ouen en 2017. Ni même en 2018. Au mieux, ce sera en 2019. Une information qui fait mauvais genre alors que le Premier ministre, Manuel Valls, s'engageait il y a dix jours à accélérer le calendrier du Grand Paris Express.
Oui-dire
La mauvais nouvelle perlait depuis quelque temps, mais jamais par des canaux officiels. Les habitants des Docks de Saint-Ouen, directement concernés par le chantier, avaient ainsi appris ces nouveaux délais dès juillet 2014, de la bouche même de leur maire, William Delannoy. La RATP, elle, devrait s'exprimer, mais plus tard. Sollicitée par metronews, elle n'avait pas donné de précisions mercredi après-midi.
Les riverains et les usagers se demanderont malgré tout comment un chantier à 1,38 milliard d'euros lancé il y a cinq ans, arbitré au plus haut niveau de l'Etat, peut prendre autant de retard. Deux pistes sont avancées : les contentieux liés aux expropriations, et des écueils liés au chantier.
Les expropriations, d'abord. Comme dans tout chantier de ce type, des arrêtés préfectoraux autorisent la RATP à acquérir des parcelles en surface ou en sous-sol, par voie amiable ou contentieuse. Ces parcelles sont considérées comme "immédiatement cessibles pour cause d'utilité publique", mais les arrêtés peuvent être contestés devant le tribunal.
Or les recours ne sont toujours pas épuisés. "Ce sont les informations qui nous sont remontées, indique Pierre Serne, le vice-président du Syndicat des transports d'Ile-de-France. Il y a des problèmes avec des emprises foncières non libérées parce qu'il y a des contentieux en cours." Selon l'élu écologiste, vent debout contre un report à 2019 "qui décrédibilise la parole publique", "les juges de l'expropriation tardent de plus en plus à rendre les jugements et ces derniers sont de plus en plus souvent favorables aux citoyens".
Les contentieux porteraient notamment sur la zone du futur site de remisage et de maintenance des trains, prévu sur le nouveau quartier des Docks de Saint-Ouen.
Cafouillage de chantier
L'autre motif de blocage tient au chantier lui-même. Selon le cabinet du maire Saint-Ouen, William Delannoy, le passage du tunnelier au niveau de l'avenue Victor-Hugo a buté cet été sur un chantier de la Compagnie parisienne de chauffage urbain (CPCU). Cette dernière a engagé des travaux lourds de déviation de ses réseaux souterrains pour permettre le creusement du tunnel de la 14.
"Tous les opérateurs qui interviennent sont interdépendants, explique-t-on à la mairie. Le chantier de la CPCU a été retardé du fait des autres opérateurs concernés", ERDF, Orange, GRDF ou encore Véolia. Résultat : "on a perdu un an dès la première phase du chantier, notamment pour la réalisation de la future gare de Clichy-Saint-Ouen".
D'autres surprises à venir ?
La RATP n'est pas au bout de ses peines. Le creusement des tunnels pourrait lui-même occasionner son lot de retards. "Le prolongement de la ligne 4 avait connu un an et demi de retard parce qu'il avait fallu consolider des terrains", rappelle, inquiet, Pierre Serne.
Cerise sur le gâteau, des questions financières pourraient s'inviter dans le chantier. Sur l'avenue Victor-Hugo, axe névralgique de Saint-Ouen, les gros commerces comptent négocier au prix fort le manque à gagner engendré par ce chantier à ciel ouvert. Des complications à vous dégoûter de construire le Grand Paris.
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