30/05/2012
La BCE comme arme par Joseh Leddet
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Une solution radicale pour résoudre la crise européenne : faire appel à la BCE comme arme d’intervention massive…
Rappel des faits
Lancé début janvier 1999 sur les fonts baptismaux monétaires, l’euro s’est révélé d’emblée un formidable succès pour l’Union européenne, sans doute même sa plus importante réalisation depuis la signature du Traité de Rome en mars 1957.
Rappelons en effet que, en dépit d’un démarrage quelque peu chaotique (émis en janvier 1999 à 1.19 dollar, l’euro sombrait vers 82 cents dès octobre 2000), l’intervention concertée des grandes banques centrales avait alors permis de le remettre à flot, pour atteindre par la suite un double pic à 1.60 dollar en février puis en juillet 2008 ; et depuis quatre ans (2008/2012), en plein coeur de la crise financière mondiale et notamment européenne, il conserve son rang face à la devise US, avec juste un petit repli ces derniers temps vers 1.25 dollar, sachant que l’on estime sa « parité de pouvoir d’achat » - c'est-à-dire sa « vraie valeur économique » - autour de 1.10 dollar (soit encore 10% de moins que son cours actuel).
La monnaie unique reste ainsi bien soutenue au milieu du champ de ruines des dettes publiques de l’Europe, et de l’écroulement potentiel de son secteur bancaire (cf. mésaventures récentes de Bankia, Dexia ou Crédit Agricole …).
La Banque Centrale Européenne, plus puissante banque centrale au monde
En termes de masse monétaire, la zone « euro » représente aujourd’hui la première accumulation mondiale au sens de l’agrégat M3 (pièces et billets, comptes à vue ou à terme, SICAV monétaires…), de l’ordre de 10 000 milliards d’euros, taillant ainsi des croupières au dollar, et aussi au yen dont la plupart des gens ignorent qu’il occupait jusque récemment la plus haute marche du podium des devises, en total de poids en cash ; en outre, dès son intronisation, l’euro s’est immédiatement révélé comme première devise mondiale en termes d’émissions obligataires, publiques comme privées.
Enfin, devise officielle des 17 Etats de la zone « euro », la monnaie unique a de fait cours officieux dans plusieurs dizaines d’autres pays du monde, notamment en Europe de l’Est (Russie incluse), en Afrique du Nord, en Afrique noire, au Moyen- Orient, en Asie ou en Amérique Latine.
Et la Banque Centrale Européenne, grand argentier de l’euro, est ainsi devenue de facto en moins de dix ans la plus puissante banque centrale du monde !
La Banque Centrale Européenne, un bolide qui reste cloué au garage
Fait paradoxal : du fait à la fois des statuts limitatifs du Traité européen, de l’intransigeance des pouvoirs publics allemands, et de la médiocrité de ses récents dirigeants, la BCE, au lieu de travailler pour le bien de l’Europe et pour le renforcement de l’Union, a systématiquement au cours ces dernières années oeuvré contre sa « mère-patrie ».
En effet, depuis la crise des « subprime » en 2007 et la chute de Lehman Brothers en 2008, la BCE a déversé des tombereaux d’euros quasi-gratuits, par milliers de milliards, vers le secteur bancaire européen, et ce sans rien exiger en retour de sa part en matière de financement de l’économie réelle ; et aujourd’hui, pour diverses raisons, les banques préfèrent replacer tout cet argent gratuit à perte auprès de la BCE, plutôt que de le prêter à leurs consoeurs ou à l’économie réelle (on marche vraiment là sur la tête !).
En outre, la banque centrale s’interdit par principe de prêter en direct de l’argent aux Etats-membres ou aux agents économiques actifs, alors qu’elle constitue en pratique une mine d’or disposant de réserves illimitées de métal précieux à coût d’extraction « zéro », qui pourrait avantageusement arroser à grands flots la machine économique européenne, et ce pour le plus grand bien de ses entreprises et de ses salariés.
A vrai dire, la BCE est aujourd’hui pour l’Europe comme une Ferrari financière que ses propriétaires -pour des raisons absconses et incompréhensibles- auraient décidé de laisser clouée au garage !
Crise de la dette grecque, source de gangrène économique et financière ?
Fin 2009, lorsque quelques fonds spéculatifs internationaux se sont attaqués aux emprunts d’Etat grecs, notamment via le marché des CDS (Credit Default Swaps), il suffisait d’un simple coup de fil du chef-cambiste de la BCE aux patrons de salles de marché de quelques grandes banques d’investissement internationales, pour faire retomber dans l’oeuf en quelques heures le soufflé de la spéculation ; malheureusement, le président à l’époque de la Banque, à savoir le français Jean-Claude Trichet, zélote dévot et inconditionnel du système bancaire, de fait ennemi d’une l’Union européenne forte et incapable de prendre de vraies initiatives en sa faveur, et surtout parfaitement ignorant du mécanisme concret des marchés financiers -car n’ayant jamais traité de sa vie en direct la moindre opération depuis une salle de marché- s’est révélé totalement incapable de réagir sur-le-champ pour éteindre l’incendie grec dès le départ du feu.
Et aujourd’hui, essentiellement à cause de lui, la situation est devenue réellement dramatique pour l’Europe entière, voire pour toute l’économie mondiale.
Soyons optimistes, il existe une bonne solution: sortir la Ferrari du garage !
Face à cette gangrène financière partie de la Grèce à cause de l’impéritie de la BCE, et qui s’étend aujourd’hui progressivement aux pays voisins, à tout le secteur bancaire et aux marchés boursiers, il importe de réagir avec rapidité et énergie ; pour cela, une solution s’impose : sortir la Ferrari du garage !
Comment cela ? Tout d’abord en provoquant une réunion des chefs d’Etat pour amender d’urgence les statuts de la BCE, afin de lui permettre d’intervenir en direct sur la dette des pays et sur le financement de leur économie réelle -en court-circuitant les banques- et ce si possible avec une mise en oeuvre provisoire immédiate.
Ensuite, en confirmant à la tête de la BCE un commando de « vrais européens » désireux de faire gagner « l’équipe Europe », et qui soutienne financièrement et moralement tous les joueurs de l’équipe, même lorsque certains présentent momentanément des signes de faiblesse (à cet égard, M. Draghi semble nettement plus ouvert que M. Trichet à une telle approche) ; cela veut dire notamment, pour la Banque, intervenir massivement sur le marchés des CDS (qui ne représente de fait pas grand-chose en cash) pour dégonfler les primes de risque exorbitantes infligées par ce marché aux Etats du Sud.
Enfin, en transformant sans tarder tout le stock des emprunts publics européens en ODI (obligations à durée indéterminée ou « rentes perpétuelles »), à taux fixe raisonnable (entre 2 et 5%), et ce pour éviter aux pays d’avoir sans arrêt à réémettre des obligations sur le marché avec à la clé, à un moment donné, l’inévitable sanction des agences de notation et autres analystes financiers ; les Etats cesseront alors de devoir rembourser périodiquement leur dette en la prolongeant au coup par coup par du « crédit revolving » à taux inconnu voire usuraire (mission impossible de fait sur le long terme), avec a contrario juste des intérêts fixes modérés à payer chaque année via les ODI, sauf en cas de retour à meilleure fortune ; et ces ODI feront en outre l’objet d’un marché secondaire (« d’occasion »), coordonné par la BCE, pour assurer aux investisseurs la récupération de leur capital en cas de besoin.
Une telle démarche permet ainsi de faire d’une pierre deux coups : d’une part libérer des Etats de l’insupportable dictature des marchés financiers, et d’autre part protéger le portefeuille des investisseurs, petits ou gros, détenteurs de leur gigantesque dette (de l’ordre au total, tout comme la masse monétaire, de 10 000 milliards d’euros).
Joseph Leddet
Economiste et consultant financier (06 15 90 47
14:44 Écrit par JCJ | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | Imprimer |
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