Le sujet est inépuisable, passionnant, révélateur dans le contexte des années 40 –où sévit la barbarie nazie et fasciste-, du courage, du devoir d’hommes et de femmes motivés qui se dressent contre l’inacceptable. Au péril des représailles, de leur liberté, de leur vie.
Jackie Poggioli a choisi de nous faire pénétrer, au cœur de la tourmente, par la réalisation d’un film «Fred Scamaroni, Jean Nicoli, celui qui croyait au ciel, celui qui n’y croyait pas». L’étude préalable a été particulièrement sérieuse et documentée, grâce à des entretiens avec des acteurs éminents et par la consultation critique d’une multitude de sources officielles, tant en Corse, qu’en France, en Italie et aussi au travers des archives de la « France libre » du général De Gaulle, épique et visionnaire puis, du Maréchal Pétain, en plein naufrage.
Le parcours de ces deux héros est parallèle et, pourtant, il converge vers le même objectif : abattre le totalitarisme. Tout les distingue. Fred Scamaroni est d’une famille corse aisée, croyante et suit le chemin du service de l’Etat : d’abord officier puis Préfet. Il en connait les arcanes mais dès le début, il rejoint De Gaulle à Londres. Puis, il travaillera beaucoup en Corse, dans la clandestinité.
Jean Nicoli, issu lui aussi de l’Alta Rocca est un rural, un instituteur, socialiste au début ; il enseigne alors en Afrique où il prend nettement position contre le colonialisme français. Revenu en Corse, il adhère au Parti Communiste qui exprime ses convictions sociales, s’engage dans la Résistance dont il gravit tous les échelons. Avec tous ses camarades de combat et un courage remarquable.
L’un et l’autre devaient malheureusement finir dans les griffes de l’Ovra, la sinistre police fasciste. Dès lors, ils affronteront leurs tragiques destins, à la fin de 1943 : Fred Scamaroni se suicidera pour ne pas parler sous la torture tandis que Jean Nicoli sera fusillé puis décapité ; il lèguera à sa famille, à ses enfants, à la Corse une phrase célèbre : « Je sais que vous pouvez être fiers ; la tête de Maure et la fleur rouge, c’est le seul deuil que je vous demande. je meurs pour la Corse et pour mon parti », affirmant ici sa double conviction identitaire et communiste qu’il est moralement interdit de travestir ou d’instrumentaliser.
Il est inévitable que pendant cette période troublée, dans un contexte mondial d’affrontement entre les puissances de l’Axe et les Pays défenseurs de la liberté, apparaissent les compromissions, les traitres, les héros, sur un fond de compétition politique sévère entre le Parti Communiste Français et le Gaullisme, qui préparaient l’un et l’autre, la défaite du nazisme, la Libération de la France et leur avenir respectif.
Des membres de la famille de Fred Scamaroni, des historiens comme Françis Pomponi, des militants politiques comme Paul Antoine Luciani, Adjoint au maire, et d’autres encore, ont participé à un débat riche, instructif et surtout, digne et respectueux. Il a abordé les problèmes essentiels, écartant toute éventuelle polémique ou mise en cause agressive. Il faut remercier vivement Jackie Poggioli pour la qualité de son travail et tirer les leçons.
Nul n’est jamais contraint d’accepter ou de s’accommoder de l’inacceptable, sans être nécessairement un héros. Le peuple a aujourd’hui les moyens – la démocratie, le suffrage universel, la communication, une conscience et une opinion publique internationales- de faire entendre sa voix, d’influer sur les choix déterminants, de rejeter ceux qu’il estime ruineux ou inappropriés ; sans violence, par les forces conjuguées de l’information, de la mobilisation. Là est la condition de la dignité collective du peuple, du progrès économique et social, de la liberté, -hors de prix-, par la paix et dans la paix.
Un film de Jackie Poggioli
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