L’article 1218 du Code civil dispose :
"Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités pas des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.
Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1".
En vertu de ce texte, imprévisibilité, irrésistibilité caractérisent cumulativement un événement de force majeure.
Avec le Covid-19, la condition d’imprévisibilité remplie, la conclusion du bail avant janvier 2020) étant antérieure à sa survenance, aucune des parties au contrat ne pouvait l’anticiper, ni dans son principe ni dans ses effets.
Avec le Covid -19, c’est la condition d’irrésistibilité qui peut poser une difficulté pour que le preneur puisse s’en prévaloir.
Ainsi, si c’est une mesure prise par l’autorité publique (Arrêté Ministériel ou Préfectoral…) qui interdit l’accès au local commercial, donc son exploitation totale, le bailleur n’est alors plus en capacité de satisfaire à son obligation de délivrance, ce qui aura, selon nous, pour effet de suspendre l’exécution du bail et les obligations y afférentes dont celle du paiement du loyer par le preneur.
Compte tenu de la privation totale de jouissance du preneur, au visa de l’exception d’inexécution de l’article 1220 du Code civil aux termes duquel une « partie peut suspendre l’exécution de son obligation dès lors qu’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle », le preneur pourra notifier cette suspension des effets du bail à son bailleur, tout en se ménageant toute preuve de cette action, en précisant à son bailleur à cette occasion qu’il ne paiera pas les loyers pendant la période.
Dans cette hypothèse, le preneur dont l’activité est totalement dépendante de l’ouverture de son local qui a été totalement empêché peut envisager de suspendre, le paiement de ses loyers à compter de la date de survenance de l’événement de force majeure.
Néanmoins, il conviendra d’être extrêmement prudent et mesuré dans les demandes du preneur puisqu’il faudra qu’il se ménage toute preuve de cet état en illustrant et en documentant sur le plan comptable et financier l’impossibilité de régler son loyer pendant la période de confinement. et qu’il respecte les conditions du bail de l’action à mener dans ce sens.
Compte tenu d’une privation partielle de jouissance du preneur (ex : vente sur place rendue impossible mais vente à emporter toujours possible ou nouvellement développée pour s’adapter), c’est la perspective d’une baisse proportionnée du loyer - baisse négociée- à la perte de jouissance par le preneur qui s’engagera entre les parties.
Les conditions d’exploitation du local par le preneur étant « simplement » rendues plus difficiles, le bailleur assurant quant à lui toujours son obligation de délivrance, cette situation se matérialisant par une baisse de son chiffre d’affaires, le preneur ne pouvant plus assurer le paiement des loyers, il ne pourra pas s’en prévaloir sur le fondement de la force majeure.
La première raison est que le bailleur répond toujours à son obligation de délivrance dans ce contexte d’épidémie.
La seconde raison est jurisprudentielle le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent inexécutée ne pouvant s’exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure.
En synthèse, dès lors qu’il n’est pas impossible pour le preneur d’exécuter son obligation de payer son loyer, mais que cette exécution est seulement rendue plus difficile par les circonstances, l’absence d’irrésistibilité absolue fait que la force majeure ne peut être retenue, le preneur ne pouvant s’en prévaloir. A l’inverse s’il est impossible pour le preneur d’exécuter son obligation de payer son loyer, dans le contexte d’épidémie actuelle, le critère d’irrésistibilité étant caractérisé, la force majeure est alors retenue, le preneur pouvant sur ce fondement s’en prévaloir.
Force majeure ou pas force majeure et dans pareilles circonstances telle est la question ?
Pour les baux conclus ou renouvelés depuis le 1er octobre 2016, le preneur pourrait se prévaloir de l’art 1195 du Code Civil sur l’imprévision pour autant que les clauses du bail n’aient pas écarté l’application de ses dispositions légales simplement supplétives.
Cette situation de crise va n’en pas douter générer des discussions voire des différends entre les parties au bail.
Les fondements des demandes et les moyens d’action ouverts aux parties existent mais ils seront à apprécier en fonction des circonstances et des enjeux, notre conseil étant quoi qu’il en soit d’agir vite afin de prendre date de manière proportionnée (les deux parties souffriront de la situation) mais encore de privilégier la négociation afin de se préserver l’avenir de bonnes relations, une fois le confinement passé !
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